LE PRÉSIDENT DE LA « FÉDÉ », FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS DE COMMERÇANTS DU NORD-ISÈRE VOIT DANS LE PROJET ENBASDEMARUE.FR DE LA CCI NORD-ISÈRE UNE OPPORTUNITÉ POUR REDYNAMISER LE COMMERCE DE PROXIMITÉ.

 

Quel est votre rôle de président d’une association comme la vôtre qui regroupe 15 unions commerciales et 4500 commerçants ?

Il consiste à mettre en synergie les savoir-faire et les bonnes pratiques des différentes unions commerciales du Nord-Isère. Je regarde ce qui fonc­tionne bien dans une ville pour mieux le reproduire dans une autre, et ainsi de suite. À titre d’exemple, le grand projet que nous lancerons le 27 juin prochain, et que nous avons baptisé « enbasdemarue.fr » (lire en pages 6 et 7), est l’émanation même de la fédé­ration. Il a été porté auprès de la CCI Nord-Isère qui le portera à son tour. Des projets aussi importants, nous les faisons toujours accompagner par ceux qui savent faire.

Nous mettons aussi en commun des dossiers comme celui de l’accessibi­lité pour pouvoir négocier ensemble le coût des réalisations.

Quel regard portez-vous en qualité de président de la Fédé sur le commerce du Nord-Isère ? Pas facile en ce moment…

On est dans une phase de transforma­tion, c’est indéniable ! On est passé de l’ère du commerce 100 % proximité à celle du digital. La donne a entière­ment changé. Toutes les habitudes de consommation, et donc de vente, ont été chamboulées. J’ai cependant noté que la valeur « commerce de proxi­mité » revenait peu à peu dans les esprits. On redécouvre qu’il y a un intérêt moral à aller chez son com­merçant, et économique, aussi, en faisant travailler des gens autour de chez soi.

Le e-commerce est-il une chance pour le petit commerce nord-isérois de raccrocher au wagon de la nouvelle façon de consommer ?

Absolument ! C’est une manière on ne peut plus directe de mettre le com­merce de proximité à l’heure du web. C’est comme s’il était, pour ainsi dire, ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Grâce à cette plateforme Internet où il sera visible, on fera se relier deux demandes de base du client : consom­mer quand il le souhaite et dans un commerce de proximité.

Telle initiative n’est-elle pas prise un peu tardivement, si l’on tient compte de l’avance qu’ont prise les grandes enseignes, les applications, les livraisons gratuites.. ?

On aurait pu le faire plus tôt, sûre­ment, mais il est toujours difficile de fédérer tous les commerces indépen­dants dans une seule et unique initia­tive, quand les grandes enseignes, elles, réfléchissent de manière indivi­duelle. C’est là où le rôle de la Chambre de Commerce et d’Industrie Nord-Isère est important, elle qui a cette capacité de fédérer les différents territoires. Malgré tout, notre initia­tive arrive à point nommé. Elle se trouve à la croisée des chemins entre le fait de vouloir acheter rapidement et celui de le faire dans un commerce de proximité. Aussi, pendant long­temps, acheter sur Internet revenait moins cher que dans le commerce de proximité, mais ce n’est plus telle­ment le cas aujourd’hui.

À l’image de IKEA qui vient d’ouvrir en plein Paris, les centres villes regagnent par endroit de l’intérêt pour le commerce de proximité. Vous pensez que cela arrivera un jour jusqu’ici ?

Je le pense, oui. J’ai constaté que dans nos centres villes et bourgs, les com­merces de bouche, par exemple, avaient l’air de bien se porter. Le succès de certains boulangers ne peut être démenti. Je pense sincèrement que les hypermarchés sont arrivés tout au bout de ce qu’ils pouvaient faire et que la courbe était en train de fléchir. Ce qui suscite, parfois, et mal­heureusement, des vagues de licencie­ment dont certaines très médiatiques. Et puis, avouons que le commerce de proximité a toujours su garder une longueur d’avance en termes de ser­vice. Aujourd’hui, à prix égal avec Internet, il n’y a plus de raison de ne plus s’y rendre. J’étais moi-même présent à la Foire de Bourgoin-Jallieu le 1er mai et j’ai pu voir à quel point les commerçants du prêt-à-porter prodiguaient de vrais conseils d’ex­perts. Origine, qualité du textile, façon de l’entretenir… ils connaissent absolument tout du produit qu’ils proposent à la vente. Un vrai plaisir que de les regarder faire ! Leur com­pétence est un atout qu’on ne trouve ni sur Internet ni ailleurs.

Il y a peut-être aussi un conflit de générations ! Certains commerçants n’ont peut-être pas assez cru dans Internet !

La génération est en train de changer ! Celle qui arrive aux affaires aujourd’hui a compris tout l’intérêt d’Internet, mais, aussi, qu’il fallait savoir mettre à profit sa passion pour se distinguer. Au final, c’est le client qui sera gagnant sur toute la ligne. L’accueil, la connaissance du produit, le conseil, ce sont des éléments qu’on redécouvre aujourd’hui et qui sont fondamentaux dans l’action de vendre.

En revanche, il y a peut-être un secteur où le petit commerce a du mal à lutter, c’est celui du stationnement ! Non seulement les hypermarchés bénéficient de la gratuité, mais les centres villes du Nord-Isère ont des politiques très différentes. Gratuit avec disque, payant les deux premières heures…

Le stationnement est le fait propre des communes. Elles ont leur logique et on ne peut pas trop s’en mêler, même s’il nous arrive fréquemment de travailler ensemble. On a tout de même bien progressé, si l’on compare à deux ou trois ans derrière. L’idée des trente minutes gratuites, par exemple, vient des commerçants eux-mêmes. Aujourd’hui, tous nos centres villes ont de la place pour se garer. Il faut juste bien communiquer pour faire savoir rapidement où ce station­nement existe et comment il fonc­tionne.

Est-ce qu’il n’y a pas tout simplement des mentalités à faire évoluer, que ce soit chez les commerçants, les clients, les élus, etc. ?

Ce que je sais, c’est qu’il faut qu’on travaille tous, main dans la main, pour y arriver. C’est l’intérêt de cha­cun. C’est le cas avec enbasdemarue. fr. Il faut remettre le consommateur au coeur des préoccupations et des priorités. Il faut non seulement écou­ter ce qu’il a à dire, mais aussi répondre à ses demandes. Au final, c’est lui qui nous fait vivre !

Un petit mot justement sur enbasdemarue.fr dont vous avez multiplié les présentations auprès des commerçants ?

C’est un projet qui me tient à coeur depuis des années ! C’est le plus important depuis que j’ai été élu pré­sident en 2014. Pensez qu’on pourra commander le plus facilement du monde, depuis son canapé, à l’heure qu’on voudra, un article chez un com­merçant en bas de sa rue. Et quand il n’aura pas ce que je cherche, c’est peut-être son collègue de la commune voisine qu’il l’aura. C’est aussi la pos­sibilité pour le consommateur d’ache­ter rapidement, tout en faisant vivre son commerçant. Il ira retirer ensuite son article directement là où il l’a acheté. Pas de livraison, pas de véhi­cule supplémentaire sur nos routes, et donc, pas d’impact environnemen­tal ! C’est aussi efficace qu’éthique ! C’est ça, pour moi, la nouvelle façon de consommer, et nous n’en sommes qu’au début !

Propos recueillis par Éliséo Mucciante
Le Courrier Liberté ECO Nord Isère – vendredi 18 mai 2018