Le projet de loi prévu initialement pour juin a été repoussé à l’automne à la plus grande satisfaction des professionnels du droit.

C’est incontestablement la rapidité du ministère de la Justice à vouloir réformer et le manque de concertation avec les magistrats et les avocats qui ont déclenché leur mouvement de contestation. Après les journées Justice morte en mars et le défilé à Paris en avril dernier que les barreaux, soutenus par les hauts magistrats ont réussi à obtenir du temps en vue de mener une concertation collective.

« Le défilé à Paris a réuni plus de 7 000 personnes et a marqué les esprits, assure la bâtonnière du barreau de Vienne Me Noëlle Gille. Nos instances représentatives, la conférence des bâtonniers, le barreau de Paris et le conseil national des barreaux, travaillent de concert sur le fond de la réforme, sur les procédures pénale et civile ainsi que le droit civil. Personne n’est contre une réforme mais elle doit être faite intelligemment et dans le dialogue. »

De son côté le syndicat de la magistrature s’inquiète des propositions du gouvernement relatives aux chambres détachées et à la suppression des juges d’instance, « le TI, une juridiction qui fonctionne et concerne les plus démunis ».

« Le discours habile tenu par le gouvernement vise à terme une perte d’autonomie. Les fusions et mutualisations de moyens sont des suppressions déguisées des TGI, souligne Véronique Drahi, de la section de Lyon. L’autre volet à négocier : les socles de compétences qui seront pris par décrets en septembre pour les chambres détachées et les TGI, mais nous n’avons pas tous les éléments essentiels à la réflexion et pour une vision globale. Par ailleurs, le gouvernement tient un double discours : il veut donner les moyens à la Justice tout en réduisant le nombre de magistrats, allongeant ainsi les délais. Il investit donc dans le milieu pénitentiaire. »

Carte judicaire rassurante

Quant à la carte judiciaire, la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, n’a annoncé aucune suppression de TGI pour les départements en possédant plusieurs. Par conséquent, en Isère, les TGI de Vienne et de Bourgoin-Jallieu seront conservés et une réflexion devra cependant être menée entre les deux barreaux.

« Grenoble ne revendique absolument pas de récupérer Bourgoin-Jallieu et Vienne, indique Me Noëlle Gille. En Nord Isère, l’idée est de travailler sur la répartition des compétences et on a plein d’options : soit on dispatche les contentieux, soit on les laisse en l’état et on regroupe plutôt les moyens. Chacun garderait ainsi ses compétences pleines et entières. Une fois la concertation terminée entre les deux barreaux et le premier président de la cour d’appel de Grenoble, ce dernier soumettra nos propositions collectives au gouvernement dans un délai de 18 mois à compter du dépôt de projet de loi. » Et la Bâtonnière de préciser que « Bourgoin ne possédant pas de tribunal des affaires de sécurité sociale, les contentieux pourraient être traités par le Tass de Vienne. Idem pour le tribunal de commerce de Vienne qui pourrait étendre sa compétence à tout le Nord Isère. L’objectif étant « d’améliorer les choses sans fermeture de site et sans paupérisation des territoires ». « Nous sommes confiants mais restons vigilants », conclut la bâtonnière de Vienne.

Du côté de Bourgoin-Jallieu, le sentiment du barreau représenté par la bâtonnière Catherine Perbet semble également plus rasséréné qu’il y a quelques semaines : « le fait qu’aucune juridiction ne soit supprimée nous rassure, souligne Me Catherine Perbet. Pour l’instant c’est le statu-quo et il n’y a aucune raison qu’un TGI mange l’autre. Nous entretenons de bonnes relations avec le barreau de Vienne. »

L’Essor – vendredi 15 juin – Sevim Sonmez