Toutes les conditions sont réunies pour que le virement en temps réel décolle. Si les banques ne s’en saisissent pas, elles risquent de se faire distancer par les Gafa.

Si  ses usages sont encore embryonnaires sur le Vieux Continent , « le paiement instantané est une vague qu’on ne peut arrêter. Les banques doivent s’y préparer activement si elles ne veulent pas se faire doubler par des géants tels Google, Amazon, Facebook ou Apple (Gafa) », prévient Thierry Antonin, directeur solution chez ACI.

Une étude récente réalisée par le fournisseur de solutions logicielles spécialiste de paiements, en partenariat avec KPMG, estime que les virements en temps réel « ont le potentiel d’atteindre près d’un milliard de personnes de plus. […] Plus de la moitié de la population mondiale pourrait faire des paiements en temps réel ».

Un écosystème mature

Les conditions semblent de fait réunies pour que celui-ci décolle rapidement. « Contrairement à l’adoption de la carte, qui a pris du temps parce qu’il fallait construire tout un écosystème avec des distributeurs de billets et des terminaux de paiement, celui du virement instantané est en place, qu’il s’agisse des infrastructures technologiques ou de l’équipement des consommateurs en smartphones », explique Thierry Antonin.

Ce nouveau moyen de paiement en temps réel va aussi profiter de  l’essor du e-commerce qui affiche une croissance annuelle à deux chiffres depuis une décennie. L’adoption de Faster Payment Services, la version britannique du virement en temps réel en témoigne : neuf ans après son lancement, il représente 19 % des transactions de compte à compte, soit l’équivalent de plus de 1,7 milliard d’opérations traitées, en progression de 16 % sur un an en 2017. En Suède, la solution Swish est utilisée par la moitié de la population et totalise plus de 9 millions de paiements par mois.

Un substitut au virement traditionnel

L’entrée en vigueur en janvier dernier de la directive européennerévisée sur les paiements (DSP2) devrait enfin donner un important coup de pouce au paiement instantané en permettant à des acteurs autorisés par les clients des banques d’effectuer directement des paiements de leur compte bancaire vers d’autres comptes. Le virement instantané est, de fait, tout désigné pour ce type d’opération.

Au point que le Conseil européen des paiements estime que ce moyen de paiement devrait peu à peu remplacer le virement traditionnel pour représenter 50 % des transferts de compte à compte en Europe d’ici à cinq ans.

Un modèle économique à trouver

Dans ces conditions, les auteurs du rapport soulignent que la question pour les banques n’est plus de proposer le paiement instantané mais bien d’avoir une stratégie commerciale offensive avec des services agrégés autour pour rester au centre du jeu afin de conserver ses clients déjà courtisés par les Gafa.  PayPal propose déjà un service de paiement de personne à personne en temps réel à ses clients…

Nombre de banques européennes, notamment en France, ont jusqu’ici renâclé, voyant moins une opportunité qu’ une obligation du régulateur de mettre à disposition de leurs clients ce nouveau moyen de paiement. S’il leur impose des investissements qui se chiffrent par dizaines de millions d’euros, son modèle économique reste en effet encore à définir. Celui-ci réside sans doute dans les services à valeur ajoutée qui s’agrégeront au paiement instantané.

Les Echos – jeudi 30 mai 2018 – Ninon Renaud