Cette fois-ci, c’est l’aboutissement. Jeudi 17 mai, 15 ans après avoir été imaginé pour la première fois au sein de la mairie de Villefontaine, le fameux « Village de marques » abandonne son statut de projet et devient concret. A l’inauguration de « The Village, le French outlet » succède l’ouverture au grand public ce vendredi 18 mai. L’Essor Isère est parvenu à s’entretenir avec Philippe Journo, le PDG de la Compagnie de Phalsbourg, principal promoteur de ces 22 000 m2 de boutiques dont les 114 M€ investis donnent lieu à bien plus qu’un simple centre commercial de périphérie…

L’effervescence. Ce mardi 15 mai après-midi, à deux jours de l’inauguration, l’ambiance est à la fourmilière. Entre les ouvriers du BTP et autres paysagistes affairés aux – multiples – derniers détails ou encore les nombreux employés des boutiques sur le point d’ouvrir et affectés à leur aménagement, ils sont encore plus d’un millier sur le terrain. Alors même que les premiers travaux de terrassement datent du printemps 2016. Insoupçonnable frénésie depuis l’extérieur : le vaste complexe cache une ceinture verte. Pas vraiment dans le genre à l’observer depuis une tour d’ivoire, Philippe Journo y participe. Il a pris l’habitude, comme à chacun de ses projets, de visiter très régulièrement le chantier. Encore plus à deux pas du jour J. Entre deux coups de gueule et rectifications minutieuses exigées et à appliquer immédiatement, nous l’avons accompagné dans sa déambulation…

Philippe Journo, c’est la fin ou le début d’une histoire ?

Nous n’en sommes clairement qu’au tout début. Dans cette vaste histoire, ce n’est là qu’un chapitre qui se ferme et un autre qui s’ouvre. Pour nous, malgré une décennie déjà passée à travailler sur ce projet, ce n’est pas une finalité, tout cela va aller plus loin pour ce territoire : la finalité, à nos yeux, même si nous sommes une entreprise, n’est pas purement mercantile. Nous souhaitons créer des lieux où les gens se sentent bien, de qualité. Sinon, nous ne ferions pas de tels investissements, de tels efforts esthétiques ou d’animations : il y aura ici chaque soir deux diffusions d’un film spectacle sur le lac (l’une des principales places de The Village est équipée d’un grand point d’eau, Ndlr) élaboré par les artistes, créateurs du Cirque du soleil. Ce sera un peu Las Vegas en Isère !

Un contexte local au départ globalement frileux, de nombreux recours et rebondissements, un passage devant le conseil d’Etat… La concrétisation a pris plusieurs années. Avez-vous songé à laisser tomber ?

Jamais ! La Cie de Phalsbourg n’abandonne d’ailleurs jamais. J’ai connu des « états de nerfs » mais je n’ai jamais eu l’idée de renoncer.

« Nous proposons une véritable expérience de vie aux gens »

 

La Cie de Phalsbourg a déjà réalisé des retail parks et crée là son premier village de marques. Quel est le concept qui distingue vos projets ? En quoi celui-ci va plus loin ?

Nous proposons une véritable expérience de vie aux gens. Notre Village n’est pas fait de maisons pseudo traditionnelles en cartons pâtes, mais composé de véritables bâtiments de qualité. L’ensemble, c’est une vraie prouesse architecturale (conçue par l’architecte Gianni Ranaulo, avec ses maisons et bâtiments en vert hématite, Ndlr) dans une ambiance hyper-environnementale, verte : un hectare de clôture végétalisée ceinturant un centre commercial, c’est unique au monde. On a planté 750 arbres. Des vrais arbres. Je n’hésite pas à le dire : ce que nous avons fait n’a pas d’équivalent. Nous voulons réellement que cela plaise aux gens, ne serait-ce qu’en se promenant. Nous nous adressons bien à tous, pas à une élite. Si les gens achètent tant mieux. Sinon, pour les autres, tant mieux s’ils se sont faits plaisir en venant simplement ici, sans rien débourser. La Cie de Phalsbourg estime que ce le commerce périphérique s’ouvre à tous les pouvoirs d’achat et n’a pas à être pour autant une poubelle esthétique. Nous arrivons à la phase 1, cette découverte du village par le public et le bien être qu’il en tirera. La phase 2 suivra.

Que vous définissez comment ?

Le concept est de son temps aussi, c’est-à-dire qu’il est « phygital » : à la fois physique et digital. Les gens viennent physiquement faire du shopping, passer un bon moment, s’amuser. Mais nous proposerons bien sûr aussi des facilités digitales. C’est indispensable face à l’hyper concurrence commerciale que représente Internet. Les habitués pourront obtenir une carte qui leur permettra de recevoir les offres spéciales (allant au-delà des réductions permanentes pratiquées dans un village de marques, Ndlr) de leurs boutiques préférées, de commander à distance pour venir retirer. Cela sera lancé au moment des soldes, en juin.

Vos collaborateurs nous disent que vous serez encore à régler des détails sur le terrain, probablement une heure avant l’inauguration. Pourquoi pousser autant ce souci du détail ?

Le travail bien fait n’est pas à refaire. Il y a une expression française qui dit que le diable se cache dans le moindre détail. C’est vrai mais j’ajoute aussi que le paradis se cache dans le moindre détail. Encore une fois, notamment dans un contexte d’hyper concurrence du web. Passer ce temps à tout revoir et corriger méticuleusement c’est la clé du succès j’en suis convaincu. Ce sont les détails qui font toute la différence pour attirer une fréquentation pérenne.

Vous avez d’ailleurs décidé de rajouter 2 M€ dans des travaux paysagers supplémentaires. Avec un total de 114 M€ d’investis, en combien de temps espérez vous rentabiliser cette somme ?

Cela ne m’obsède pas, je vous assure. Mais disons, que si nous rentabilisons dans 12 ans, nous aurons été bons. Si nous le faisons en 15 ans, nous aurons été moyens et si nous le faisons en 20, cela veut dire que nous aurons été mauvais. Notre Compagnie repose sur cinq pilliers : une architecture d’exception, écologie d’exception, bâtiments d’exception, digital d’exception. Ainsi que sur cinq valeurs : amour du client, dépassement, l’excellence, esprit d’équipe et l’hônneteté/le respect. (Il s’arrête devant un couloir, Ndlr) Regardez ça, c’est un accès à des toilettes : d’ici 10 jours, il sera superbement décoré, comme si on rentrait dans une forêt, parce que nous n’avons pas à proposer autre chose aux gens. En tant que société leader, nous combattons depuis toujours les zones commerciales dégueulasses de périphérie. Par respect. Cher ou pas, ce n’est pas au client d’en souffrir.

« Nous allons apporter à l’écosystème local »

Quasi 70 boutiques à l’ouverture, 80 d’ici juin, 120 à 150 à terme. Entre mode, sports, restauration et autres, quelle est leur répartition de leur nature ?

Le pôle sports (Nike et Adidas sont de la partie, Ndlr) représentera 20 à 25 % dans le grand bâtiment entourant le lac. La restauration fera 15 %, l’équipement de la maison 10 %. Le reste sera consacré à la mode. The Village propose des produits haut de gamme, ou luxe mais à prix réduit, c’est le concept d’un village de marques.

Avec le recul, comment percez-vous l’accueil des pouvoirs locaux publics ?

Ils ont été supers. Sincèrement, même s’il y a eu des oppositions au départ. Qu’il s’agisse des mairies, de l’agglomération Capi, de la préfecture, du Département, ils ont tous fini par comprendre à quel point nous allons apporter à l’écosystème local, du Nord Isère, voire régional. Même la Ville de Lyon, qui a longtemps été hostile adhère désormais. Rappelons qu’il s’agit de 600 emplois voire plus à terme, qui sont créés ici. Sans compter un chantier qui a mobilisé jusqu’à largement plus que 1 000 salariés du BTP d’entreprises essentiellement locales.

Propos recueillis par Xavier Alix

3 à 4 millions de visiteurs visés… la première année

C’est l’un des objectifs affichés. Jusqu’à 50 000 personnes sont attendues pour l’ouverture ce week-end. Poids lourds international de la conception et réalisation de centres commerciaux, la Cie de Phalsbourg porte ce projet en association avec Freeport retail (propriétaire à 10 %) à travers la « SCI Vendôme outlet ». Il y a 11 ans, suite à ses échanges et la volonté de la mairie de Villefontaine dirigée par Raymond Feyssaguet, la Cie avait revu sa première proposition pour concevoir son premier Village « de marques ». Forte de son expérience (Ma petite Madeleine à Chambray-lès-Tours, Waves à Metz, l’Attol à Angers), elle dit défendre une vision ambitieuse des centres commerciaux de périphérie. Plus qu’un centre commercial où des grandes marques1 vendent 30 % moins chers leurs collections passées, The Village sera quasi un parc d’attraction flanqué d’un lac et d’espaces verts, de scènes de concert et de toute une gamme de services. Au point que l’agglomération Porte de l’Isère (Capi) voit là le fer de lance de la compétence touristique. Dès le départ, le projet a fait l’objet d’âpres débats, divisant parfois les élus. Beaucoup parmi eux mais aussi la population et les commerçants craignant un impact fatal sur le commerce local.

Certaines associations ne sont toujours pas convaincues : la Fédération des groupements commerciaux du Nord Isère soutenait en janvier 2016 par une étude « indépendante objective » que cette « machine infernale détruira cinq fois plus d’emplois qu’elle prétend en créer, en faisant disparaître inexorablement la plupart des commerces de proximité ». La Cie de Phalsbourg assure qu’elle ne cannibalisera pas les commerces des villes alentours qui à ses yeux, y seront au contraire gagnants en flux, ses boutiques étant complémentaires. « Nous participerons volontiers à leurs opérations en faisant chez nous la promotion », assure-t-elle.

1Pour en citer quelques unes ayant déjà signé : Sandro, Ralph Lauren, Maje, Claudie Pierlot, The Kooples, Caroll, Blanc des Vosges, Galeries Lafayette, Sonia Rykiel, Ted Baker, Karl Lagerfled, Fiola, Berenice, Lewis, Nike, Adidas…

 

L’Essor – Le 17 mai 2018 – Xavier ALIX